Groep Huyzentruyt: Une stratégie, une culture et des ressources humaines revisitées

Groep Huyzentruyt: Une stratégie, une culture et des ressources humaines revisitées

4 décembre 2020

Dans la mosaïque industrielle de petites et solides entreprises qui se dessine entre Kortrijk et Waregem, la Wagenaarstraat à Beveren-Leie permet au passant de reprendre quelque peu son souffle. En effet, lorsque vous vous engagez dans cette rue, un domaine vinicole et une ferme datant du dix-huitième siècle vous y surprennent. Ce sentiment d’ « oasis cachée » dans une région très animée ne fait que se renforcer lorsque vous pénétrez dans les bureaux de Groep Huyzentruyt juste en face. Une société de 110 ans, qui a jadis vu le jour au beau milieu du travail ardu dans les champs de lin, appelle peut-être à vos yeux un intérieur très classique. C’est tout le contraire : vous découvrez un espace chaleureux et ouvert, typique d’une scale-up moderne, avec d’agréables fauteuils, de nombreuses plantes vertes, quelques salles de réunion ainsi qu’un baby-foot, une table de billard et même une salle de fitness bien équipée. Un préjugé de moins, donc ! L'on y voit ci et là quelques personnes travaillant sur un ordinateur portable, d’autres sont réunies autour d’une table haute, comme à l'improviste, ou derrière de magnifiques portes en verre, de façon bien réfléchie. Dans un coin, un peintre apporte une dernière touche de peinture. Cet espace est plutôt récent, à première vue.

Une remise à neuf qui ne s'est pas arrêtée aux bureaux, car la stratégie, la culture organisationnelle, les RH et même l’équipe de direction ont radicalement été revues. « Radicalement n’est peut-être pas le terme approprié », indique Marleen Verstraete, responsable RH & Gestion de programme. « Nous ne voulons pas créer de big bang, nous visons plutôt une transition progressive. Une culture ne se change pas d’un simple claquement de doigt. »

1. CHOISISSEZ LA STRATÉGIE À SUIVRE:
CONCENTREZ-VOUS SUR UN SEUL COEUR DE MÉTIER

Titulaire d’un diplôme universitaire de sinologue, Marleen Verstraete ne se prédestinait pas à suivre une carrière marquante dans le domaine de la formation, de la communication, du management et surtout des RH, principalement au sein d’entreprises familiales de la Flandre occidentale, toutes plus ambitieuses les unes que les autres. Elle a rejoint Groep Huyzentruyt au milieu de l’année dernière afin de participer à la métamorphose de cette entreprise. Auparavant, les ressources humaines se limitaient au payroll et autres dispositions nécessaires - le rôle d’expert administratif selon le modèle d’Ulrich, comme dans bon nombre de PME (y compris les plus conséquentes).

Les RH sont en pleine élaboration, afin de réaliser au mieux les trois autres rôles, à savoir celui de partenaire stratégique, d’agent du changement et enfin, celui de champion des employés qui met totalement l’accent sur l’occupation durable. Rien à voir donc avec la caricature typique d’une entreprise familiale de la Flandre occidentale, qui enfoui, ni vu ni connu, ses ressources humaines auprès du CFO. Adieu les clichés, du moins à la Wagenaarstraat à Beveren-Leie.

Autre originalité : ce printemps, Philippe Huyzentruyt, CEO de 58 ans et figure de proue de la quatrième génération, a passé le flambeau à Thomas Van Poucke, âgé de 32 ans à peine. Pour la toute première fois, le CEO ne fait pas partie de la famille des fondateurs de l’entreprise. « Philippe reste toutefois le visage de Groep Huyzentruyt, mais pour ce qui est des tâches et des responsabilités, de bons accords ont été conclus », précise le jeune CEO. Et quand nous rencontrons un peu plus tard trois autres membres de la direction, nous remarquons d'emblée leur âge : tous des trentenaires. « L’un d’eux vient de fêter ses 40 ans », corrige Thomas Van Poucke en rigolant. Il y a également un conseil d’administration composé de membres externes, qui sont supposés lancer les défis nécessaires.

Ce changement au niveau du top opérationnel a été précédé d’une toute nouvelle orientation de l’activité principale : « Nous poursuivons nos activités en tant que promoteur immobilier tout en mettant l’accent sur des logements abordables, confortables et compacts. Nous avons donc dit adieu à nos activités d’entrepreneur. Ce choix stratégique nous a été dicté par la société en constante évolution : rien de mieux que de se concentrer sur un seul cœur de métier pour travailler mieux, plus durablement et aussi plus efficacement. Nous avons par ailleurs opté en tant que promoteur immobilier pour des logements abordables, en tenant compte ici aussi de la société en plein changement qui se compose de plus en plus de petits ménages. Auparavant, l’on se construisait une maison, alors qu'aujourd'hui, l’on achète plutôt une nouvelle construction. »

L'entreprise compte à présent 110 employés et 30 ouvriers (en charge de la finition et de la réception). L'effectif a donc baissé, mais l'ambition n’a aucunement perdu en grandeur : « Nous entendons doubler notre chiffre d’affaires pour atteindre quelque 150 millions d’euros d’ici 2025. Le marché belge à lui tout seul ne suffit pas dans ce cadre, puisqu’il est très mature. Voilà pourquoi nous avons lancé des activités à Varsovie, une ville dynamique qui compte une pénurie de 200 000 appartements. Nous espérons que cette ville nous ouvrira les portes sur le reste de la Pologne, et ensuite sur le marché de l’Europe de l’est. »


Si le personnel est heureux mais que l’entreprise n’enregistre aucun résultat, vous n’avez qu’un club de loisirs...Les résultats ne sont au rendez-vous que si les ambitions et les souhaits des collaborateurs convergent avec les objectifs de l’entreprise. - Marleen Verstraete (Responsable RH et Gestion de programme chez Groep Huyzentruyt)

2. FAITES CONVERGER LA CULTURE AVEC LA STRATÉGIE DE L’ENTREPRISE
ÉTABLISSEZ UN CAHIER DES CHARGES ET DES ENVIES

Cette métamorphose ne peut bien évidemment se réaliser que si les collaborateurs se montrent particulièrement emphatiques. Honnêtement, le terme « endurant » serait plus juste. Thomas Van Poucke et Marleen Verstraete avouent que ce revirement stratégique n’est pas une simple promenade de santé. Le personnel était élogieux et animé de curiosité, mais aussi d'angoisse et de réticence. « Tout changement est aussi un processus de deuil », indique Thomas Van Poucke. « À cela s’est ajouté une autre manière de travailler, un changement de culture, disons. Aujourd'hui, nous misons pleinement sur l’ouverture d’esprit, la flexibilité et la confiance. Ces éléments avaient bien évidemment de l’importance par le passé, mais aujourd’hui, ils deviennent le fondement de nos relations. Cette approche demande un changement de la part des collaborateurs, mais aussi des dirigeants. Chacun doit revoir son rôle. Pour ce faire, il faut un message clair et beaucoup, beaucoup de communication. »

« Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Tout le monde a bien évidemment le temps d’évoluer dans son rôle tout en bénéficiant d’un accompagnement, mais à un moment donné, il faut décider de s'embarquer ou non dans cette nouvelle aventure », ajoute Marleen Verstraete. « Il est essentiel que chacun se sente en sécurité pour aborder toutes les questions. Une bonne ambiance est indispensable. Tout se déroule dans cette ambiance, même pour les quelques personnes qui ont décidé de quitter l’entreprise. »

« Notre nouvelle stratégie, mais aussi l’automatisation et la numérisation feront que certaines fonctions disparaîtront. Il faut donc aborder ce point à temps avec ces personnes et leur proposer de se recycler », indique Thomas Van Poucke. « Là aussi, nous avons l’impression que presque personne ne souhaite nous quitter, cela fait réellement plaisir. Dans le secteur de la construction, les connaissances et expériences des collaborateurs ont une importance capitale, même s’il faut bien évidemment également ouvrir la porte à l’innovation. »

Après avoir réfléchi quelque peu, le CEO nous synthétise parfaitement la situation : « Voilà ce qui caractérise magnifiquement bien toute notre opération : changer et innover sans mettre en péril notre stabilité. C’est la raison pour laquelle nous misons fortement sur les RH : si nous voulons que nos collaborateurs deviennent des ambassadeurs et des travailleurs enthousiastes, nous devons savoir ce qu’ils veulent et comment ils se sentent. Dans le cadre de notre projet relatif à la flexibilité, nous avons pour ce faire prévu un cahier des charges et des envies GH (une appellation qui rappelle bien évidemment le jargon du secteur de la construction), qui met l’accent sur notre culture de confiance mutuelle. »

La confiance semble être le mot clé, et c’est aussi ce qui est apparu durant la crise du coronavirus, explique Marleen Verstraete : « Nous avons misé sur la confiance depuis le tout début de la crise du coronavirus. Depuis le premier jour du confinement, nous avons garanti à nos travailleurs qu’ils garderaient leur salaire plutôt que de recourir au chômage temporaire. Ils ne devaient ainsi d’ores et déjà pas se soucier de l’aspect financier. En échange, ils ont pris des jours de congé ou des jours de récupération quand le travail se faisait plus rare. Nous avons également adapté nos horaires de travail afin de leur permettre de garde leurs enfants tout en transmettant chaque semaine, des informations actualisées en vue de les informer correctement. »

« Nos collaborateurs y ont réagi très positivement », indique Thomas Van Poucke. « En ce moment, il est essentiel de donner des repères sûrs aux gens. Éviter des soucis à nos travailleurs a un impact positif et considérable sur leur sphère privée ainsi que sur les résultats de l’entreprise. »

Marleen Verstraete indique que le mot clé s’accompagne d’un adjectif : « Il s’agit de confiance mutuelle. Si le personnel est heureux mais que l’entreprise n’enregistre aucun résultat, vous n’avez qu’un club de loisirs... Les résultats ne sont au rendez-vous que si les ambitions et les souhaits des collaborateurs convergent avec les objectifs de l’entreprise. »

3.PLACEZ LES RH AU CENTRE DES ACTIVITÉS
EN ROUTE POUR OBTENIR LE TITRE DE GREAT PLACE TO WORK

Il faut reconnaître que chez Groep Huyzentruyt, les RH sont la clé de la nouvelle stratégie. Ceci se traduit entre autres par la volonté d’obtenir le titre de Great Place to Work. « Nous avons déjà réalisé la mesure zéro, la première enquête menée auprès des travailleurs en collaboration avec la Vlerick Business School », raconte Marleen Verstraete. « J’ai déjà fait des enquêtes dans pas mal d’entreprises, mais celle-ci était tout à fait remarquable. Premièrement, le taux de participation a atteint des niveaux records. Deuxièmement, les réponses données étaient claires, utiles et critiques - le caractère anonyme y a certainement contribué. Il nous a parfois fallu digérer les feed-backs reçus, mais nous pouvons à présent réellement nous mettre au travail. Nous lancerons une deuxième enquête début 2021, de manière à savoir où nous en sommes et si nous avons déjà suffisamment tenu compte des remarques du personnel. »


Nous avons dès lors rédigé un cahier des charges et des envies GH (une appellation qui rappelle bien évidemment le jargon du secteur de la construction) qui met l’accent sur notre culture de confiance mutuelle. - Thomas Van Poucke (CEO chez Groep Huyzentruyt)

Les ressources humaines ont entre-temps aussi été analysées. Quels autres aspects fallait-il changer ? « Il était clair que nous devions nous atteler aux évaluations », indique Marleen Verstraete. « Un besoin qui émanait des collaborateurs mêmes », remarque Thomas Van Poucke. « Nous n’avions pas pour habitude de fonctionner ainsi, mais il le faut. »

L'objectif n'était pas d’introduire une évaluation classique. Voilà pourquoi les GHO Talks ont été lancés (les initiales de l’entreprise apparaissent partout) : des entretiens en tête-à-tête avec le supérieur, organisés deux fois par an. « Le feed-back est transmis dans les deux sens, des questions ouvertes sont posées, mais toujours sans donner de score », indique Marleen Verstraete. « Un dialogue constructif en toute confiance, avec en fin d’entretien la fameuse question : are you ready to GHO? Bien évidemment, il nous a fallu préparer les dirigeants. » Le CEO le confirme : « Nous avons appris que nous devions d’abord nous regarder dans le miroir. »

4. ÉLARGISSEZ LE RÔLE DES RH
OBTENEZ ÉGALEMENT UNE VUE D'ENSEMBLE DU BUSINESS

L’approche du feed-back caractérise la gestion « no-nonsense » des RH, qui porte indubitablement l’empreinte de Marleen Verstraete : RH modernes et professionnelles sans les alourdir de systèmes de gestion complexes. Bref, communication directe, implication de chaque membre de l’entreprise et puis : vraiment se lancer. « L’élément clé ne change pas : équilibrer les souhaits et les besoins des collaborateurs ou des équipes ainsi que ceux de l’entreprise », précise-t-elle.

Les RH doivent-elles être vues comme le levier du business ? Tout à fait, même si Marleen Verstraete ne veut pas que cette synthèse soit mal interprétée : « Des RH efficaces représentent une valeur ajoutée tant pour le collaborateur que pour l’entreprise. C’est ce que l’on constate par exemple dans l’apprentissage et le développement. Quand les personnes se développent au rythme du business, de la technologie et de la société, l’entreprise en tire profit, mais elles aussi. L’employabilité est une médaille dont le revers brille autant que le côté face.

Cela provient peut-être de son expérience en tant que conseillère en formation ? « Ma devise n’a pas changé et est toujours : ne cessez jamais d'apprendre, car la vie ne cesse jamais d'enseigner. Faire évoluer les gens ? Impossible d’y parvenir si vous les cloisonnez dans une fonction bien déterminée ou de quelque autre façon. Il faut faire appel à leur potentiel. Voilà où se cachent les opportunités à saisir. Il suffit de regarder le CEO, qui a commencé à travailler au département commercial avant d’évoluer progressivement. Il a pu compter sur un accompagnement donné par ni plus ni moins que Philippe Huyzentruyt. »

Elle non plus n’aime pas rester les bras croisés. Elle a rejoint Groep Huyzentruyt car elle peut élargir son horizon et être impliquée au premier rang dans le management et la direction : « Ici, les RH sont de plus une sorte de caisse de résonance qui coache la jeune équipe de direction. Outre les RH, je me charge également de la structure des projets et des groupes de travail. Cela me permet de garder une vue d’ensemble et de rester impliquée de manière optimale dans le business, mais aussi d'identifier à temps les tendances de fonctionnement en silo. »

En conclusion, nous faisons remarquer que toute cette énergie investie dans les RH vient à profiter à l’image de marque de l’employeur. Thomas Van Poucke rétorque : « Notre image en tant qu’employeur bénéficiait déjà d’une belle notoriété. D'ailleurs, si la popularité est votre seul objectif, il vaut mieux faire appel à un bureau de marketing digne de ce nom. Mais dans ce cas, vous ne créez qu’une illusion, alors que nous sommes convaincus que l’image doit correspondre à la réalité. Notre personnel le sait mieux que quiconque : chez nous l'amusement et le travail vont de pair. Aussi le travail, bien évidemment... »